A l’écoute des rythmes cosmiques

Nous l’avons dit, c’est au cœur des villages tribaux que nous avons toujours souhaité nous rendre pour tenter de mieux connaître ces peuples des origines. Au début de nos recherches, nous prévenions nos contacts locaux de nous organiser ces rencontres, compte – tenu de nos obligations et de nos différents programmes.

Mais combien de fois avons-nous été surpris et déçus, lorsque nous arrivions, de nous entendre dire: » on ne peut pas rencontre les gens, il n’ya personne dans les villages, ils sont tous occupés par les travaux des champs! »

« Comment ça ? » pensions-nous ! Mais notre recherche est importante et puis on vient de faire 9000 km par avion, des centaines en voiture, d’investir un budget et ces gens ne sont pas capable de nous consacrer une heure ou deux…et ce guide qui n’a pas été capable de relayer notre demande, peut-on continuer à lui faire confiance? Belle production de la pensée occidentale, ignorante des réalités et imbue d’elle-même, comme nous allions l’apprendre peu à peu.

Mis devant les faits accomplis, nous avons tenté d’observer, de nous laisser imprégner, et de comprendre…

La journée commence très tôt en Inde, et ce commencement est dicté par le lever de celui sans lequel aucune vie ne serait possible: le soleil. Ceci est tellement important que partout des saluts lui sont adressées et des offrandes lui sont faites.

Offrandes au soleil levant sur les bords de la Narmada, grand fleuve sacré de l’Inde et si les Indiens disent que pour rejoindre le ciel il faut qu’à sa mort, ses cendres soient dispersées dans le Gange, pour la Narmada, il suffit de l’avoir vue une fois, pour que le même destin se réalise.

 

Ces rites accomplis, chacun part pour ses obligations, les enfants vont chercher l’eau au puits avant d’aller ramasser le bois ou aller à l’école, les femmes effectuent les tâches domestiques, préparent les repas, les hommes s’occupent du bétail puis s’en vont au champ, souvent les femmes les accompagnent: ils ne rentreront que le soir venu.

Et c’est effectivement dans les travaux des champs que nous avons perçu les premiers rythmes de cette symphonie invisible auxquels les paysans indiens semblent participer.

 

 

Tout d’abord dans les labours… : une terre , souvent sèche pénétrée par le soc d’une charrue en bois tirée par un couple de bœufs que guide un paysan avec une attention reconduite à chaque instant et qui semble relier l’ensemble. Parfois plusieurs charrues travaillent en même temps. Il faut sans doute avoir assisté à ce travail pour comprendre à quel point son interruption serait une sorte de sacrilège.

Puis viennent d’autres temps: celui du repiquage du riz, celui de la moisson. Là encore, plusieurs fois nous nous sommes arrêtés pour écouter la symphonie jouée par ces hommes et femmes dont les instruments sont de simples faucilles dentelées qui viennent couper de petites poignées d’épis de blé doré qui seront rigoureusement alignées sur le sol pour être mises à sécher au soleil avant d’être liées puis récoltées.

Et puis bientôt la journée touche à sa fin… c’est le spectacle de la rentrée des troupeaux qui impressionne: les vaches, puis les chèvres, les buffles, les charrettes et aujourd’hui… les motos.

Il faut, là aussi, avoir vu ces familles de paysans se hâtant lentement de rentrer à la maison, la cadence du pas comme rythmée par le mouvement presque perceptible du soleil qui va se coucher ( la circonférence de la Terre à cette latitude de l’Inde est d’environ 35000 km, alors que chez nous elle est de 26 800: c’est cette différence de presque 10000km qui explique cette impression de coucher rapide du soleil ).

Alors pour mieux aider à comprendre comment nous sommes coupés d’une sensibilité à ces rythmes cosmiques, nous avons eu cette image analogique: celle d’un grand reporter venant de très loin pour interviewer un chef d’orchestre. Au moment où il arrive, le musicien est en train de donner un récital au milieu d’une centaine d’artistes… Qu’à cela ne tienne, seulement préoccupé par son but, le journaliste traverse la salle, la scène et s’en va vers le chef d’orchestre auquel il tend son micro…

Il n’avait ni entendu, ni réalisé qu’il était au cœur d’un concert .