Aux yeux des occidentaux, l’Inde reste un des pays les plus déroutant qui soit. Il fascine, émeut, émerveille, dérange, choque…Malgré sa modernisation actuelle, cette formidable diversité de peuples, de religions, de langues, semble avoir traversé les siècles et constitue une richesse dont les tribus sont un des témoins vivants, mais pour combien de temps encore?
Mahalakshmi, montagne sacrée du pays Warli dans le Maharastra, axe entre ciel et terre ?
Partout dans le monde, le mode de vie tribal est commun à des millions d’hommes et de femmes qui vivent dans un autre rythme, dans une autre relation à leur environnement. Peut on parler d’une civilisation des premiers habitants de l’Inde, de ces peuples libres dont la transmission des connaissances ancestrales se perd progressivement? Peuples « primitifs » dont l’expérience provient de la relation à la nature dont ils font partie, sans désir d’exploitation mais dans le respect des lois qui l’organisent, comme une reconnaissance de participer d’un Tout. « Le sacré … c’est l’expérience d’une réalité et la source de la conscience d’exister dans le monde » disait Mircea Eliade .
Abri sous roche dans le Madya Pradesh, dont les peintures témoignent de l’ancienneté de ces peuples.
Une tribu se caractérise par un certain nombre de critères: la croyance en un ancêtre commun (réel ou fictif), la langue, le sens de son identité propre d’où découle un nom, une organisation sociale, des territoires et paysages, un modèle économique de subsistance généralement autosuffisant.
On dénombre 700 communautés tribales en Inde qui représentent 100 millions d’individus. Leur plus forte concentration se situe au centre du pays (Chhattisgarh, Madhya Pradesh, Orissa, Andhra Pradesh, Maharastra) et dans les contreforts himalayens (Jammu, Cachemire).
En Inde, l’histoire de ces hommes est marquée par leur protection contre les différents colons qui se mirent à explorer le pays de façon systématique afin d’évaluer les ressources et le potentiel. Des tribus jusque là ignorées furent mises en lumière et subirent les premiers bouleversements qui les ont contraint à se réfugier dans les zones montagneuses et les jungles inhospitalières, finalement protectrices.
L’arrivée des colonisateurs britanniques modifia leur mode de vie et produit des changements dans leur représentation du monde. Certaines influences furent positives comme l’interdiction des sacrifices humains. En 1852 chez les KONDH.
Jusqu’à l’arrivée des Colons, ils vivaient sur la terre de leurs ancêtres qu’ils avaient défrichées et cultivées depuis des générations. La forêt était un bien commun, chacun pouvait chasser et cueillir selon ses besoins; jusqu’à ce qu’elle devint la propriété de l’Etat. Suite à l’indépendance, le gouvernement indien a pris des mesures pour protéger ces populations tribales des différentes convoitises, celle d’une nouvelle classe de riches propriétaires qui virent chez les ADIVASIS, privés d’instruction, l’occasion de faire d’importants profits en s’appropriant leurs terres. La vente des terres tribales fut interdite et certaines redistribuées. Des commerçants vinrent s’installer à proximité des villages et commencèrent à vendre leurs marchandises à crédit. Les ADIVASIS de nature insouciante et crédule, plus habitués au troc qu’ à ce type de transaction cumulèrent des dettes et se trouvèrent à la merci des marchands…
Dépossédés de leur forêts, spoliés de leur terres, nombres d’entre eux acceptent de pénibles emplois précaires pour des revenus improbables. Certains s’exilent en ville imaginant trouver un autre sens à leur vie. Les bénéfices sont douteux et l’issue inéluctable: les traditions s’effritent peu à peu et la culture disparait. Toutefois des tribus conservent farouchement leurs traditions et leurs croyances, derniers représentants d’un univers d’une époustouflante diversité.
En montant vers un petit village de l’Orissa, le soleil se couche.